Un objectif s’élabore dans un espace bien circonscrit que les théoriciens de la gestion du temps nomment «zone d’influence*». Cette zone délimite les domaines et les lieux où nos actions peuvent…

D’où m’est venu ce goût marqué pour les horaires et l’organisation du temps? D’où me vient ce besoin de consigner dans un agenda chaque geste de ma vie? Je n’ai jamais vu ma mère en utiliser un. Elle inscrivait ses rendez-vous sur les pages illustrées d’un calendrier de Notre-Dame-du-Cap et cela semblait lui suffire. Les tâches journalières s’imposaient à elle; elle accomplissait son travail parce qu’il fallait qu’il se fasse. La seule liste que je lui ai vu faire est sa liste d’épicerie. […]
Mon père, quant à lui, devait bien utiliser un agenda au bureau, puisqu’il y recevait régulièrement des fournisseurs. Mais jamais je ne l’ai vu l’apporter à la maison. Lui, vivait un double temps : le temps de l’usine et le temps de la famille. […]
Les projets d’achat, d’un téléviseur ou d’une automobile par exemple, n’étaient soumis à aucune «offre pour un temps limité». Pour acheter, il fallait ou bien que les choses brisent et soient irréparables (ce qui était rare), ou bien que l’argent mis de côté permette de se les payer.
Il n’y a pas si longtemps, les gens prenaient le temps à l’envers. Du temps de mes aïeux jusqu’à celui de mes parents, on réagissait aux événements quand ils se présentaient, comme on cueille les fruits d’un arbre quand ils sont mûrs. On les surveille un temps, puis ils s’offrent. Nul besoin de planifier, d’établir des listes ou des plans d’action. Les tâches et les événements arrivaient par eux-mêmes à leur dénouement. Bien sûr, il y avait des exceptions : un mariage, l’arrivée d’un enfant, la construction d’une maison. Mais on allait chez le médecin quand on était malade, chez le dentiste quand on avait mal aux dents et chez le garagiste quand la voiture était en panne. On espérait que ces choses arrivent le moins souvent possible; on les redoutait tout en mettant un peu d’argent de côté pour les «mauvais jours». Le mot «prévention» n’était pas encore entré dans notre vocabulaire.
Aujourd’hui, le flot des événements et des choses à faire est devenu si tumultueux que se laisser simplement porter par lui est devenu impensable. Les emplois qui nous soumettent à ce genre d’agitation sont reconnus comme générateurs de stress. Notre train-train quotidien s’est emballé et nous avons ressenti le besoin de nous hisser dans sa locomotive pour prendre le contrôle et enfin savoir où nous allons. Cette locomotive est devenue énorme et puissante; elle nous permet de voir loin et d’aller loin.
Alors, nous avons pris le temps autrement. Nous l’avons mis à notre main. Nous le considérons non pas en allant d’hier à aujourd’hui, comme tous nos ancêtres l’ont fait avant nous, mais en allant d’aujourd’hui à demain. Au lieu de nous placer à la fin des cycles du temps, nous nous sommes installés au début. Et le cycle tournant en rond, nous avons préféré redresser le temps pour le rendre linéaire. Tout cela, quand on le situe dans l’histoire, s’est fait en très peu de temps […] Aidés par une éducation plus accessible et des technologies toujours plus efficaces, nous avons fait ce qu’aucune génération n’avait osé faire avant nous : domestiquer le temps, le maîtriser et le gérer comme une chose ou comme de l’argent.
Extrait de : À contretemps. Gérer moins, vivre mieux, Montréal, Fides, 2011, p. 29-30
Madame Lemaire,
Nous avons décider que de planifier était mieux que de réagir. Proaction vs Réaction. Dans bien des cas, c’est très logique et très payant de le faire.
Bonne journée!!
🙂
Je trouve cet extrait très inspirant.
En quelques lignes, il met en évidence l’évolution de notre société .
Si cette évolution continue à ce rythme, dans des dizaines d’années ( moi j,aimerais pouvoir voir la différence ), comment, mes petits-enfants vivront ‘ils leur vie ?
Je leur fais confiance.