D’abord, laissez-moi vous souhaiter, chères lectrices, chers lecteurs, une excellente année 2016. Alors que tous et toutes s’entendent pour affirmer que la santé doit se trouver en tête de liste…

À Marie-Claude Bressan et toute l’équipe de Fides.
J’aime Dany Laferrière : une écriture drôle et candide au premier abord et qui, dès qu’on s’y laisse prendre, nous mène droit à l’essentiel et à des remises en question radicales.
Dans L’art presque perdu de ne rien faire*, il nous raconte, dans de courts billets, son enfance, ses questionnements, ses auteurs préférés, sa vision du monde. Il aborde notamment une question qui me fascine : la lecture et son pouvoir de nous mettre hors du temps. Je lui laisse la parole :
La lecture est un acte mystérieux car ce n’est pas normal que je puisse si facilement convoquer Virgile chez moi un mardi matin. Je parle bien de Virgile, le gars de l’Antiquité. Beaucoup de gens doutent qu’on puisse parler aux morts alors qu’ils vivent entourés de livres. Et toute bibliothèque est un cimetière peuplé de morts qui pensent. Il m’est arrivé d’aller rendre visite à Virgile, chez lui, je veux dire dans son siècle. Je l’avais dérangé dans son tête-à-tête hebdomadaire avec Dante, mais il s’est révélé chaleureux après le départ de ce dernier (ces deux-là se surveillent jusqu’aux portes de l’enfer). (p. 299)
Dans son essai intitulé On writing (Au sujet de l’écriture)**, Stephen King s’émerveille aussi de ce phénomène mais, cette fois, du point de vue de l’auteur. Dans ce livre très intime, il nous raconte sa vie, ses dépendances et son métier, l’écriture. À ses yeux, le fait d’écrire en 2000 un texte que quelqu’un, quelque part, lira en 2020 est un miracle. King l’interpelle et lui parle comme un ami qui ne serait pas encore né.
Plusieurs écrivain-e-s affirment que les livres ont leur vie propre, comme les enfants. Mais, contrairement aux enfants qui ont pour eux la durée de leur propre vie, le livre, lui, est hors du temps et ne se remet à vivre qu’en empruntant notre temps à nous. Il est comme cette mousse qui s’installe sur les grands chênes de Géorgie, sans jamais leur faire de mal, en les ornant plutôt de leur grâce et de leur beauté.
Comme le dit si bien Laferrière : « Le bon livre, qu’il soit de Virgile ou de Dante ou du dernier jeune romancier de vingt ans, renaît à chaque lecture.» Il s’adresse à nous, devient nous, le temps que nous consacrons à le lire. Et, si cette lecture a été bonne, il s’installe à demeure, nous ayant durablement transformés. Le temps du livre est multiple, presqu’à l’infini, puisqu’au-delà du temps qu’il a pris pour naître (et comment compter ce temps-là?), il s’inscrit dans les temps très intimes des lectrices et lecteurs.
Dany Laferrière relit beaucoup. C’est un lecteur dont le rapport au temps est en spirale. Car, relire, c’est passer par le même chemin, mais avec une autre expérience.
M. Laferrière, vous me faites penser qu’il y a bien longtemps que je ne suis pas allée prendre le thé avec Jane Austen. Vous l’aimeriez beaucoup : elle est aussi redoutable et pince-sans-rire que vous. Ah! Je rêve d’un dialogue entre vous deux… N’est-ce pas ainsi qu’on devient Immortel?
*Laferrière, Dany. L’art presque perdu de ne rien faire, Montréal, Boréal, 2011, 390 p.
**King, Stephen. On Writing. A Memoir of the Craft, New York, Scribner, 2000, 288 p.
Une petite question posée de façon attrayante ;quelle bonne idée!
Je ne partage pas cet engouement pour Dany Laferrière… J’en ai lu quelques uns de ces livres…
L’homme public joue et pose, l’homme de lettres doit être fort différent de l’homme privé. Nous voulons tous garder un coin à nous, un jardin secret, mais lui, je sens une façade pour la galerie. Il est aussi l’homme de la répétition. Il redit les choses, ce sont toujours ou presque les mêmes personnages dans ses romans, mais est-ce qu’il apprend de ses expériences passées, est-il réellement un homme du temps en spirale? Hum… pas certaine. Bref, vous aurez compris qu’il ne répond pas à ma sensibilité…
Par ailleurs, Jane Austen est une écrivaine qui nous a donné que six romans, mais nous approfondissons la nature humaine à travers eux et l’enfermement des femmes dans le mariage et leur stratégie pour s’en sortir.
Quant à un dialogue entre les deux… elle pourrait nous faire son portrait dans un roman! Lui voudrait relever ses jupons et elle nous décrirait sa nature… Prometteur.
Merci de m’amener sur des sentiers inconnus…
Et vous, que pensez-vous de Dany Laferrière???