Dans une « exhortation » publiée en novembre 2013, le pape François affirmait que la plénitude du temps et la limite du moment agissent en tension. Tandis que l’un fait tendre vers…

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Dans À contretemps, j’affirmais que certaines valeurs ont du mal à s’épanouir dans un rapport au temps strictement linéaire. Pour les vivre pleinement, il faut alors s’inscrire dans un autre rapport au temps. Voici un bel exemple.
Peut-on s’en étonner? Je me suis inscrite dans un programme doctoral qui, dans le temps linéaire, a tout l’air d’une utopie. L’interdisciplinarité – qui est l’approche préconisée par le programme de sciences humaines appliquées — cherche à établir un dialogue entre les disciplines universitaires, afin de mettre en priorité l’élaboration de solutions pertinentes et utiles aux questions soulevées, plutôt que de servir à l’avancement d’une discipline en particulier.
Aujourd’hui, tout le monde semble s’entendre sur le fait que notre volonté de solutionner les problèmes de notre société n’est jamais bien servie par une pensée dite en « silos ». L’interdisciplinarité s’impose alors avec une telle évidence qu’on a l’impression que c’est chose facile: on croit qu’on comprend notre vis-à-vis d’une autre discipline et on finit par agir sur une montagne de malentendus. En conséquence, les solutions élaborées peuvent s’avérer inapplicables.
L’interdisciplinarité implique un changement profond de manière de penser. C’est une approche exigente, parce qu’elle demande qu’on respecte assez l’autre pour lui faire de la place dans notre élaboration d’un savoir. Dès que l’on insiste sur cette exigence, les gens ont tendance à « ne plus comprendre ». Cela devient extrêmement énergivore et parfois décourageant. Dans un temps habité par des valeurs de productivité, d’efficacité et de rendement, cette exigence devient difficile à porter. Répéter sans cesse, d’une manière puis d’une autre, les mêmes idées n’est pas très efficace ni très productif. Et cela prend du temps.
Cette approche d’ouverture, ce goût d’aller vers l’Autre, de le comprendre et de bâtir avec lui/elle un projet interdisciplinaire, ne se généralisera pas du jour au lendemain. Sa défense et sa mise en pratique doivent donc être vécues dans un rapport au temps qui les favorise: le temps maillon. Celui-ci propose une orientation mais pas d’objectif spécifique, puisque « le chemin se construit en marchant » et que la route est longue. Aussi doit-on renoncer à « contrôler les résultats » parce que nous ne serons peut-être pas de la partie pour en célébrer la réalisation.
Comment rester motivé/e? En partant des valeurs qui nous habitent et en se centrant non pas sur l’objectif réalisé mais sur le projet que nous partageons avec d’autres qui nous ont précédés et à qui nous le transmettrons. En nous inscrivant dans une perspective plus large que notre propre vie, le temps devient généreux. Si notre projet est nécessaire et s’il a du sens, nous ne devons jamais douter que ce que nous semons finira bien par être récolté, d’une façon ou d’une autre.
Aujourd’hui, nous ne ménageons pas nos efforts, nous travaillons avec conviction et détermination. Mais le temps s’ouvre, il cesse de nous oppresser, il relâche la pression de l’urgence. Dans le temps maillon, nous avons le temps.
Quand un project aussi prenant qu’un doctorat est mis de l’avant, Il y a le défi des temps linéaires et maillon de la famille, plus les défis de l’interdisciplinarité, il y a les valeurs mises de l’avant qui ne se conjuguent paa toujours aussi facilememt qu’on le voudrait et il y a un objectif qui est quand même de compléter ce doctorat dans un espace temps quand même restreint…. De beaux défis pour qui s’intéresse au temps et à peaufiner une théorie du temps. On a toujours hâte de te lire…