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2014.10.21-141 Commons.wikimedia.orgJean-Louis Servan-Schreiber affirme dans ses deux livres sur l’art du temps : «Comme celle de la boussole indique le nord, l’aiguille du temps, quels que soient nos détours, pointe dans cette direction obstinée : nous, d’où part et où aboutit le problème*.» Pour lui, il s’agit à la fois d’une mauvaise et d’une bonne nouvelle. Nous sommes responsables de notre problème, mais de ce fait, nous disposons de toute la marge de manœuvre nécessaire pour agir, sans plus nous soucier de trouver d’autres coupables. Cette manière de voir est partagée par la grande majorité des théoriciens de la gestion du temps ainsi que par la plupart des auteurs d’ouvrages de psychologie populaire. Nous serions les seuls responsables de nos journées, de notre vie et, donc, de la satisfaction qu’elles nous procurent.

Pour ma part, j’ai le sentiment que, si nous nous laissons porter par le flot, si nous renions souvent nos aspirations les plus profondes pour nous laisser happer par une urgence, ce n’est pas seulement parce que nous manquons de volonté. Sans qu’il soit question de nous départir de tout pouvoir et de toute responsabilité devant les difficultés que nous éprouvons à mener sereinement nos journées, le fait d’identifier des éléments permettant de partager le poids de cette responsabilité m’apparaît comme une façon d’arriver à une vision plus juste de la réalité. Ce ne saurait être une échappatoire, mais plutôt un moyen de nous aguerrir face à une situation plus complexe qu’on ne nous la présente généralement.

Ainsi serions-nous les seuls responsables de notre manière d’appréhender le temps… Et si nous allions voir dans la vraie vie? Demandez à cet associé dans un bureau d’avocats qui voudrait bien rentrer chez lui plus tôt pour profiter de la présence de ses enfants d’âge préscolaire. Autour de lui, tout le monde ne parle que d’heures à facturer, de budget, de développement de clientèle, quand ce n’est pas de la survie de leur société. Peut-il rentrer chez lui sans avoir le sentiment d’abandonner ses collègues? Il apportera plutôt du travail à la maison, quand il pourra s’échapper.

Considérez aussi cet entrepreneur qui, à force de volonté et sans compter les heures de travail, mettra sur pied une entreprise prospère. Si d’aventure nous venions à apprendre que, pour y parvenir, il a dû vivre un divorce, devenir un étranger pour ses enfants ou un fils que ses parents ne voient jamais, nous lèverions les yeux au ciel comme devant les grands saints d’antan; pour réussir, ne faut-il pas faire des sacrifices?

Au-delà de tout ce qu’on a pu nous apprendre concernant la méthodologie de travail et la gestion du temps, de tous les travers psychologiques que nous avons pu développer quand il s’agit de prendre en main un projet difficile ou un agenda trop bien garni, il y a autre chose. Il y a une société qui, chaque fois que nous avons l’air bien occupé, nous tape dans le dos en signe d’approbation. Un système de valeurs qui nous rassure sur le fait que nous sommes utiles et donc vivants.

 

* Jean-Louis Servan-Schreiber. Le nouvel art du temps. Contre le stress, Paris, Albin Michel, 2000, p. 121.

 

Extrait de À contretemps. Gérer moins, vivre mieux, Montréal, Fides, 2011, p. 15-16.

 

 

 

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