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CC Wikimedia.com
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Combien sommes-nous à considérer comme dépourvue d’intérêt la carrière que nous avions pourtant convoitée, poursuivie au prix d’années d’études et de quelques sacrifices? Qui n’a pas un jour jeté un regard déçu sur le conjoint qui fut jadis le prince charmant? Qui ne s’est pas fait violence pour aller plonger dans cette piscine payée au bout d’un nombre effarant de versements? Tout cela a eu, dans le passé, beaucoup de valeur et continue sans doute d’en avoir encore. Mais nos sens se sont émoussés, nous ne sommes plus en état de voir.

Certains membres de professions libérales sont tellement débordés de dossiers, de clients ou de patients à voir et de tâches à accomplir, qu’ils en ont perdu tout le plaisir de leur pratique. «Si seulement je pouvais en faire un peu moins, confient-ils, il me semble que j’en profiterais davantage.» Mais alors, pourquoi justement, ne pas en faire moins? Pourquoi ne pas décider de moins travailler, d’avoir un peu moins de loisirs différents, d’avoir un peu moins de choses à faire et d’engagements? «Parce que c’est comme ça», répondrons-nous d’un air accablé, un peu irrités qu’on nous ait posé cette question.

Parce que c’est comme ça. Comment penser autrement quand nous travaillons dans une entreprise où nos patrons font des semaines de 80 heures alors que nous n’en faisons que 50? Comment faire autrement quand les garderies ouvrent à 7 heures, que les magasins sont ouverts le dimanche et que les opérations bancaires peuvent se faire au milieu de la nuit avec Internet?

S’il n’existe plus de contraintes en ce qui concerne notre liberté face au temps, l’air du temps, quant à lui, est au fatalisme et à l’accablement. Mais pourquoi nous sentons-nous si vides et fatigués? Pourquoi nous sentons-nous pris au piège, angoissés? Pourquoi la vie nous semble-t-elle si courte, alors que, statistiquement, elle n’a jamais été si longue? Pourquoi nous estimons-nous débordés alors que nous n’avons jamais eu, en théorie du moins, autant d’heures de loisir?

La toile dans laquelle nous sommes empêtrés est très solide. N’y a-t-il pas la globalisation qui nous oblige à être plus productifs? N’y a-t-il pas l’économie de notre pays qu’il faut dynamiser grâce à notre consommation? N’y a-t-il pas nos enfants à qui il faut payer de bonnes études, une chambre individuelle et des vêtements griffés, afin qu’ils soient heureux? Oui, c’est comme ça.

Jusqu’à ce que soudainement tout se mette à craquer. Un obstacle vient se mettre au travers de notre chemin sans que nous ayons pu le voir venir et réagir. Nous perdons pied, entraînant dans notre chute bien davantage que le projet sur lequel nous étions concentrés. Nous nous écroulons, et toute notre vie avec nous, dans un bruit de dominos. Nous nous retrouvons à l’hôpital, victimes d’une crise cardiaque. Nous rentrons un soir dans une maison vidée. Notre patron s’assoit dans notre bureau, un peu mal à l’aise; nous venons de faire les frais de la dernière réorganisation de l’entreprise. N’avions-nous pas senti le vent tourner, n’avions-nous pas deviné l’obstacle assassin? Probablement. Mais que voulez-vous? C’est comme ça.

 

Extrait de: « Introduction »,  À contretemps. Gérer moins, vivre mieux, Fides, 2011, p. 17-18

 

Cet article comporte 4 commentaires

  1. Chère Christine,

    Quel beau texte qui nous invite à réfléchir sur nos manières d’agir et de penser!

    Pourquoi faisons-nous ceci ou cela? Pourquoi vivons-nous à un rythme effréné? Vers quoi allons-nous? Pourquoi le temps glisse-t-il entre nos doigts? Pourquoi nous rendons-nous si près du gouffre avant de prendre conscience qu’il est temps d’arrêter?

    Là sont les multiples questions sur lesquelles nous devrions tous nous pencher avant que la cassure, le drame, le sans-retour ne surviennent.

    Avec le temps des Fêtes qui approche vient la course aux cadeaux, les dépenses, les préparatifs multiples pour faire plaisir et la liste peut s’allonger à notre guise. Encore là, on peut se demander pourquoi.

    En y réfléchissant bien, il est évident que faire moins de cadeaux, moins de ceci ou de cela n’enlèverait nullement de magie à cette Fête qui se veut une de retrouvailles en famille, de partage de temps avec ceux qu’on aime, ces moments si précieux sur lesquels toute notre attention devrait être dirigée.

    Il faut avoir le courage d’apporter des changements dans les domaines où il est possible de le faire, sans toutefois se sentir coupable parce nous l’avions toujours fait d’une certaine manière, parce que c’était comme ça. Je crois que nous subissons les effets des choix que nous faisons.

    Il faut savoir être créatif et oser faire autrement pour le plus grand bien-être de tous, ce que je m’appliquerai à faire à partir de maintenant.

    Claire

    1. Merci, Claire pour cette réflexion! Oui, nous avons une certaine marge de choix et ces petites décisions prises au jour le jour permettent de soigner son temps pour le rendre plus satisfaisant et lui donner du sens.
      Christine

  2. Tombée par hasard sur votre profil à cause de l’homonymie de vos nom et prénom avec une ancienne amie recherchée, votre analyse n’a pu que retenir toute mon attention. En effet, nous subissons tous à des degrés divers l’influence de « l’air ambiant ».
    Afin de ne plus être emportés par le courant, l’on doit lutter contre notre côté conformiste propre à la nature humaine, notre instinct grégaire aussi. Mais à cette fin, pour changer d’attitude donc, encore faut-il avoir une réelle prise de conscience; et vous venez de nous aider, merci.

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