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L’idée qu’un individu doit gérer le temps comme on le gère dans l’organisation s’est imposée tout naturellement. Étant donné que le travail occupe souvent les 35 à 70 meilleures heures de nos semaines, nous pouvons difficilement nous permettre de développer et d’entretenir une autre vision du temps que celle que nous impose l’entreprise qui nous emploie. Le temps nous manque, précisément. C’est ainsi que l’organisation, si justement nommée, est devenue par défaut, responsable de notre éducation et de notre formation en matière d’emploi du temps.

Par ailleurs, cette façon unidimensionnelle de voir le temps est la conséquence logique d’un principe que Jean-Louis Servan-Schreiber énonce de la façon suivante : «La maîtrise du temps n’est pas une attitude intermittente. Ou elle s’applique aux 24 heures de la journée, ou elle n’est qu’un leurre.» Ce qui a tout lieu d’être une évidence explique et justifie donc le transfert de la vie professionnelle à la vie privée des principes de gestion du temps. Au cours d’une séance de formation portant sur la «gestion des priorités» donnée à des entrepreneurs, une amie me racontait que la plupart des participants et participantes ont spontanément adopté la perspective de leur vie entière pour réfléchir sur la question, alors qu’on leur avait laissé la possibilité de se concentrer sur leur vie professionnelle.

Une autre raison pour laquelle les techniques de gestion du temps ont été transférées à la vie privée tient à leur efficacité. Elles ont fait la preuve qu’avec un peu d’ordre et de méthode nous pouvons aller là où nous voulons nous rendre. Si ces outils élaborés par les théoriciens du management sont si efficaces dans le contexte organisationnel, pourquoi ne pourraient-ils pas l’être dans la gestion de notre vie de tous les jours? Servan-Schreiber parle, assez joliment d’ailleurs, «de tendre à nos rêves le secours d’un peu de méthode».

Enfin, le transfert a été d’autant plus facile à réaliser que le besoin se faisait sentir de façon pressante. L’accélération du rythme de nos vies ainsi que l’explosion des possibilités d’action et de réalisation humaines sont à l’origine de notre désir d’en faire plus. Il faut ajouter que l’arrivée des femmes sur le marché du travail a eu autant de conséquences pour les femmes elles-mêmes, qui ont dû intégrer une nouvelle voie d’actualisation dans leur vie, que pour les hommes sur qui est retombée – ou devrait retomber! –, la responsabilité de participer plus intensivement à la vie familiale.

Le résultat final de ce transfert des méthodes de gestion des affaires aux méthodes de gestion du temps est que, de nos jours, nous avons appris à voir le temps exclusivement comme un nombre d’heures limité au cours duquel s’enchaîne une suite de choses à faire. Le temps est devenu une ressource à «gérer» et à «maximiser». Par rapport aux nombreuses façons de voir le temps qui se sont succédé au cours de l’histoire, ce phénomène représente un appauvrissement énorme, comme je tenterai de le démontrer dans la deuxième partie du livre. Mais avant d’élargir la perspective, voyons comment s’élaborent les grandes idées de cette vision linéaire du temps et quelles valeurs elles véhiculent.

 

Extrait de À contretemps. Gérer moins, vivre mieux (p. 40-41)

 

* Jean-Louis Servan-Schreiber, Le Nouvel Art du temps. Contre le stress, Paris, Albin Michel, 2000, p. 120-121 et 158.

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