Un objectif s’élabore dans un espace bien circonscrit que les théoriciens de la gestion du temps nomment «zone d’influence*». Cette zone délimite les domaines et les lieux où nos actions peuvent…

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Nous sommes parvenus à l’équinoxe du printemps. Un point de l’année où le jour est égal à la nuit. Cela m’amène à vous parler de mesure.
Il y a des mots qui sont si riches qu’on n’en fait pas le tour facilement.
Quand il s’agit de mesure, la première définition qui vient, est l’évaluation mathématique de quelque chose : les centimètres, les litres, les heures, les acres, les mètres-cubes, les pixels, les octets; voilà des mesures. On peut avoir lu 12 livres dans une année, avoir obtenu un B dans un examen d’anglais ou 95% en mathématique. On peut faire 39.6 degrés de fièvre.
Pour ma part, je me méfie de la mesure, prise dans ce sens précis. Parce qu’elle n’est que « rationnelle » et qu’à trop vouloir s’y conformer, à trop vouloir l’améliorer, on pourrait s’imposer des normes qui ne nous conviennent pas. Autant que possible, je cherche à élargir cette définition pour tenir compte des émotions et de l’énergie : « Je suis fatigué », « Cette discussion m’a donné de l’énergie », « Je me sens impatiente », « Je déborde de joie ». Voilà des mesures qui nous permettent, bien autant que les autres, de nous rapprocher de notre réalité.
Ceci dit, je préfère l’autre définition de mesure… Celle qui ne compte pas mais qui évalue quand même. En voici des expressions : « à sa juste mesure », « avec mesure », « au fur et à mesure ». Cette mesure-là n’est pas « impartiale » comme l’autre, elle n’est pas théorique. Elle est en relation avec son environnement et cherche à s’y adapter. Y aller avec mesure, c’est ajuster son agir en fonction de la situation et de nos propres capacités. C’est envisager la réalité avec sagesse.
Dans ce deuxième sens, la mesure fait preuve de respect. Elle nous fait entrevoir une limite; elle parle de modération. Dans notre rapport à la nature comme dans notre rapport à nous-mêmes, c’est cette mesure-là qu’il nous faudrait apprivoiser.
On pourrait parler de « retenue ». Mais, me semble-t-il, la retenue implique qu’on en donne moins. La mesure, quant à elle, reste généreuse, mais elle est aussi bienveillante. Ainsi, quand ma fille me demande un troisième biscuit, je ne refuse pas pour en donner moins, mais pour donner ce qu’il faut. Y aller avec mesure, ce n’est pas être avare, c’est rester sincère et honorer nos élans; mais c’est les orienter de telle sorte qu’ils n’aillent pas « outre mesure », qu’ils respectent certaines limites.
Nous sommes à l’équinoxe de printemps : la lumière débordera bientôt de l’obscurité et, ce faisant, la vie, les projets, les envies jailliront comme la sève de nos érables, comme un immense besoin de renouveau. Les travaux solliciteront nos forces et notre enthousiasme, inspiré par la prodigalité de la nature, nous mènera peut-être au-delà de ce que nous pouvons donner. Il faudra donc apprivoiser la mesure….
C’est, du moins, une grâce que je me souhaite.
C’est un beau texte qui m’a appris que le mot MESURE pouvait définir autant de réalités.