Il y a quelques jours, j'ai confronté ma fille à un dilemme. Nous allions visiter sa grand-mère et elle a refusé de nous accompagner. Elle avait un devoir à faire.…
Je veux aborder aujourd’hui la troisième attitude à cultiver avec soin si nous voulons rendre plus serein notre rapport au temps: la bienveillance.
Quand y a-t-il surchauffe de nos agendas? Lorsque nous nous sentons à l’étroit dans notre temps. Quand nous avons l’impression de tourner en rond sans arriver à rien, quand nous nous sentons impuissants, ballotés d’une tâche à l’autre comme un bouchon de liège sur une mer démontée. Quand nous avons le sentiment qu’il y en a trop et que ce « trop » est en train de nous empoisonner la vie.
Tant que le ressenti est calme, nous pouvons affirmer que nous n’avons pas de problème avec le temps. Si notre agenda n’est pas en état de surchauffe, c’est probablement que tous les choix pertinents ayant été faits, les tâches qui se présentent sont en nombre suffisant, mais pas menaçant.
Mais quand les tâches s’imposent à un rythme soutenu et que nous nous sentons comme une jongleuse à qui on lance des balles supplémentaires et qui ne sait pas combien de temps elle tiendra encore, c’est notre santé physique et psychologique qui est alors menacée; les symptômes allant d’une fébrilité, d’une anxiété passagères à une angoisse soutenue, au burnout ou à la dépression.
On me dit souvent : « Quand une tâche est à accomplir, je l’accomplis. Je n’ai pas à me poser de questions. » Très bien. Mais en état de surchauffe, cette attitude quelque peu intransigeante, qui nous enjoint de continuer à fonctionner, n’est plus souhaitable. Il faut changer son regard, changer d’attitude. Accueillir la bienveillance.
La bienveillance, comme son nom l’indique, veille à nous faire du bien. Le regard qu’elle porte sur notre vie est, d’emblée, respectueux. Un regard qui décide d’observer avant de juger. Un regard qui écoute, pourrait-on dire; un regard attentif, qui cherche à comprendre. Comprendre notre malaise face à notre temps, identifier les émotions qui nous assaillent, prendre conscience de l’énergie dont nous disposons, ici et maintenant.
Contrairement à l’intransigeance qui ne veut faire aucune concession, la bienveillance cherche des compromis, des « accommodements raisonnables », des façons d’arriver sans se briser au bout de nos journées. Si l’intransigeance cherche à « faire quand même », la bienveillance ne veut pas ignorer notre réalité du moment.
Mais la bienveillance n’est pas la complaisance. Car la complaisance est aussi malhonnête que l’intransigeance. Si l’une veut nous imposer un joug sans tenir compte de nos limites, l’autre cherche à nous faire oublier notre responsabilité face à notre temps. Elle cherche à s’échapper d’une situation en cherchant des coupables, alors que la bienveillance veut plutôt s’y ancrer et faire avec la réalité.
La bienveillance est douce mais ferme. Elle ne se cache pas la tête dans le sable. Elle est, au contraire, d’une grande lucidité. Elle ne juge pas, mais n’excuse rien. Elle veut comprendre. Comment? En observant.
C’est ce que nous aborderons la semaine prochaine!
Pour aller plus loin dans cette réflexion : La surchauffe de nos agendas, p. 73-88.
Merci Christine pour cette belle découverte ! J’adore le fait que ce mot puisse s’appliquer à soi et pas juste comme le dit mon « Petit Robert » que : 1. c’est un sentiment par lequel on veut du bien à quelqu’un – ou 2. une disposition favorable envers une personne inférieure (en âge, au mérite, etc.).
Une attitude de bienveillance envers soi… Se vouloir du bien, s’arrêter et comprendre ce qui se passe. Accepter sans complaisance que nous ne puissions pas tout faire. On fait un grand pas quand on intègre cela.
Le Petit Robert reprend l’idée de « bon parent » souvent chère aux psychologues. Nous devons porter sur nous-mêmes ce regard à notre « enfant intérieur » (voir J. L. Rosenberg, Le corps, le soi et l’âme » par exemple). Je n’aime pas l’idée de l’infériorité dans cette relation bienveillante. Je trouve qu’elle rétrécit le sens de ce beau mot. C’est pourquoi je ne l’ai pas employée. Je préfère le regard ami, plus égalitaire et mutuel!