Il y a quelques jours, j'ai confronté ma fille à un dilemme. Nous allions visiter sa grand-mère et elle a refusé de nous accompagner. Elle avait un devoir à faire.…

J’étais à réviser un premier jet de À contretemps, encore bien enfermée dans le contexte idéologique propre à la gestion du temps. Le temps était encore, à mes yeux, une ressource, quelque chose de rare, une matière à utiliser avec parcimonie. Je portais cependant cette préoccupation: le rythme et l’énergie de chacun devaient être respectés. Il était déjà clair pour moi qu’outrepasser constamment nos forces et nos limites nous rendait malades. J’essayais de penser autrement dans un cadre prédéfini, installé depuis la Révolution industrielle.
Nous étions au printemps, période de l’année où ma passion pour le jardinage est en pleine effervescence. Redécouvrir, sous les couches de feuilles mortes, les pousses de l’année nouvelle, est une activité dont je ne me lasse jamais. J’adore déballer mon jardin, comme un gros cadeau d’anniversaire.
Or, cette année-là, je m’étais offert un livre de Michel Renaud* et son approche écologique me séduisait. De fait, l’auteur y parle « de profiter des habitudes gagnantes de la terre ». Cela implique d’observer et comprendre la singularité de notre jardin afin d’y cultiver des plantes qui y soient bien adaptées et qui, donc, pourront s’y épanouir sans que nous ayons à faire des efforts surhumains pour les maintenir en vie, ni employer des engrais ou des pesticides de toutes sortes. En d’autres mots, Michel Renaud propose de sortir d’une logique d’exploiteur, de faire taire cette arrogance du jardinier se sentant supérieur à la nature et co-créer avec elle, en la respectant.
Un réel changement de paradigme…
Et le lien s’est fait : pourquoi ne pas adopter la même attitude dans notre rapport au temps? Si le temps était, lui aussi, un écosystème vivant, complexe, généreux? Cette permission que je me suis donnée de sortir pour une fois du cadre temporel de l’organisation moderne a été déterminante. Cette porte ouverte ne devait plus se refermer : tous les autres temps que je vous présente depuis deux ans maintenant, sont sortis de cette première échappée hors des sentiers battus de la gestion du temps.
Voilà donc un exemple formidable de cette idée : créer, co-créer avec le temps. Il y a dans cette attitude un respect profond de ce qui est et une ouverture à ce qui pourrait advenir.
Bien qu’il soit un outil formidable, l’objectif a la fâcheuse tendance à nous enfermer dans une attitude obtuse, fermée. Car, à moins que nous fassions des efforts pour contrecarrer ce travers, l’objectif, tel que nous l’avons établi, devient un résultat attendu, la seule image finale qui nous satisfasse : peu importe que la route s’avère trop difficile en regard de l’énergie dont nous disposons; peu importe les contretemps, les imprévus ou les personnes qui se présentent.
Dans un rapport au temps écosystème, la position de création élargit la perspective. Évidemment, il faudra y lâcher un peu de contrôle. Mais ce qui peut nous arriver alors, c’est découvrir des paysages qui nous émerveilleront et nous transformeront profondément.
Quant au livre, il a fallu tout réécrire. Vous imaginez le temps « perdu »? 🙂
* Michel Renaud. Fleurs et jardins écologiques. L’art d’aménager les écosystèmes, Boucherville, Bertrand Dumont éditeur, 2005.
Pour continuer la réflexion: La surchauffe de nos agendas. Vivre le temps autrement, Fides, 2013, p. 132-157
Garder l’esprit ouvert à ce qui nous entoure, ce qui arrive sur notre chemin, faire les liens, accepter le détour pour finalement aller plus loin. On peut culpabiliser sur le coût, mais il ne faudrait pas, car c’est souvent payant. Ton exemple le démontre et si on examine nos vies, la richesse de cette philosophie est grande, merci de partager ce cheminement.