Le 5 février dernier, le journaliste économique Gérald Filion intitulait son article de blogue: « Le train fou de la consommation à crédit. » Il écrit : « Depuis plusieurs décennies, c’est toujours le consommateur…

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La semaine dernière, une nouvelle pour le moins étonnante a retenu mon attention et suscité mon inquiétude. Dans le cadre de ses politiques d’austérité, le gouvernement japonais recommande aux universités d’abolir ou, à tout le moins, de « rationaliser » leurs facultés de sciences humaines. Le but avoué est de diriger les étudiant/es vers des disciplines « plus utiles à la société »*. Une commentatrice de cet événement expliquait à la radio que les Japonais/es ont bâti leur pays grâce aux technicien/nes et, pour eux, cette avenue est le plus sûr moyen de conserver leurs emplois**.
L’approche japonaise est excessive, mais elle illustre bien un phénomène assez répandu partout dans le monde et ici au Québec: les sciences humaines ont mauvaise réputation aux yeux d’une grande partie de la population. On n’a qu’à penser au printemps érable où les étudiant/es en sciences humaines étaient accusés d’avoir pris l’initiative des débrayages, empêchant ainsi les étudiant/es « sérieux » (c’est-à-dire administration, droit, médecine, etc. ) d’assister à leurs cours.
On pourrait prendre la question sous bien des angles. Prenons-la sous l’angle du temps***. Car on a beaucoup entendu cette remarque: « On sait bien, les étudiant/es en sciences humaines, ça n’a que ça à faire… Ça se la coule douce! »
Voyons dans quel temps les sciences humaines évoluent.
Alors que leurs collègues des sciences naturelles passent leur temps dans les laboratoires au milieu de leurs appareils sophistiqués et de leurs éprouvettes, que les étudiant/es en médecine doivent étudier l’anatomie des heures durant et que la plupart des gens qui travaillent font quelque chose de tangible (opérer de la machinerie, coiffer une cliente, opérer une caisse enregistreuse dans un supermarché), les étudiant/es en sciences humaines n’ont aucun autre laboratoire que le monde lui-même: ils lisent les journaux, des essais et même des romans, n’ont bien souvent besoin que de s’asseoir à une table (pas nécessairement « de travail ») avec leur portable et vont à la brasserie pour « refaire le monde ». Tout ce que les autres disciplines ou activités considèrent comme un loisir, les gens des sciences humaines le font à temps plein!
Il est difficile de savoir quand une personne en sciences humaines travaille vraiment. Évidemment, il y a une part importante de rédaction, un travail d’enquête ou de recherche de données statistiques, mais, la plupart du temps, et surtout au niveau du DEC et du baccalauréat, une bonne discipline consiste surtout à émettre et débattre des idées, regarder le monde et essayer de le comprendre. Rien n’est palpable, rien n’est vérifiable ni contrôlable.
Les gens qui ont peut d’attirance pour les sciences humaines sont bien souvent peu à l’aise avec un temps qui ne se compte pas et duquel ont ne peut jamais savoir s’il est réellement productif. Un temps que j’appelle « panoramique » puisqu’il adopte un grand angle. Un temps qui peut dévier de la ligne droite pour explorer les possibles, un temps qui se laisse déranger par ce qui peut paraître inutile. C’est le temps de la réflexion profonde mais aussi celui de l’innovation et de la créativité, trois qualités pourtant tellement nécessaires à nos sociétés contemporaines.
Une autre partie de la population vit dans le même temps que nous, de sciences humaines: ce sont les artistes. On ne s’étonnera pas de les voir à nos côtés quand le vent tourne en faveur de la performance et de la productivité.
** http://ici.radio-canada.ca/emissions/medium_large/2015-2016/chronique.asp?idChronique=384032
*** Je n’aborderai pas ici l’utilité des sciences humaines. Comme dirait l’autre, « c’est une autre histoire »!
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