Dans un livre sur l’innovation, Nathalie Joulin* souligne à quel point la créativité est capitale pour la survie d’une organisation. Pour elle, les individus employés dans les services de marketing,…

Nous avons su cette semaine que la Banque Royale du Canada avait donné en sous-traitance une partie de ses services. Les employés concernés ont été congédiés mais, avant de partir, ils doivent participer à la formation de leurs remplaçants. Situation jugée odieuse, on le comprendra, par la presse et le public canadiens.
Ce qui m’a intéressée dans cette affaire, c’est la justification donnée pour une telle pratique : la banque a expliqué que son but était d’améliorer l’efficacité de ses activités. Comme si elle s’attendait à ce que nous nous disions : « Mais oui, comme c’est raisonnable! »
Il faut croire que dans ce cas-ci, la BRC s’est laissé enfermer dans le couloir du temps linéaire. Son objectif étant de produire plus avec moins de ressources (ce qui est la définition de l’efficacité), elle s’est volontairement aveuglée sur d’autres aspects de la question.
Le temps linéaire vécu de façon unidimensionnelle est le terreau parfait pour ce genre de décision. Le progrès y est vu comme une ligne droite, ascendante et infinie. Si on y jongle avec la notion de rareté des ressources, les limites à la performance, elles, n’existent pas. Le focus est mis sur la mesure comptable, l’utilité, la rentabilité et l’efficacité. Les valeurs chéries sont l’excellence et la performance. Tout cela forme un tout très cohérent.
C’est pourquoi ce que beaucoup perçoivent comme une manière aberrante d’agir, est tout à fait logique et rationnel dans un rapport au temps exclusivement linéaire.
Or, c’est la biodiversité du temps qui est un gage de sa santé. C’est là qu’il devient généreux. Si le temps linéaire fait pleinement partie du temps multiple, les autres rapports au temps auraient dû enrichir l’action de l’organisation face à son objectif de rentabilité. Ils auraient tempéré le focus exclusif sur l’efficacité.
Par exemple, le temps panoramique aurait permis de consacrer les efforts et l’argent nécessaires pour analyser plus largement cette décision. Il aurait tout de suite mis en lumière la possibilité qu’elle soit perçue comme inhumaine par la population et particulièrement mal avisée aux yeux d’un gouvernement pour qui chaque emploi compte.
Car le temps panoramique se laisse interpeller par la réalité. Il ne s’aveugle pas dans le but d’aller plus vite. Nous y prenons le temps de réfléchir.
Aurait-ce été moins rentable d’y recourir? On peut se poser la question quand deux pages Facebook appelant au boycott de la BRC avaient plus de 7000 sympathisants au moment où j’écris ces lignes.
Est-ce que cette efficacité sans âme et à courte vue est une vraie efficacité? Bien des gestionnaires et des économistes affirmeraient avec force que non. Et je suis convaincue que bien des membres de la haute direction de la BRC avaient prévu une telle montée aux barricades.
Je me dis, quant à moi, que le temps panoramique, quand on l’oublie, peut nous jouer de bien mauvais tours et que la biodiversité du temps, quand elle est dédaignée, ne peut mener qu’à l’appauvrissement de notre agir.
En lisant ton texte, Christine, je réalise que le temps linéaire est un temps qui convient bien aux personnes et aux organisations qui se croient toutes-puissantes. C’était souvent ma façon de faire lorsque j’étais aveuglée par le désir de contrôle. Le temps panoramique conduit à une approche plus communautaire et collective de la vie, celle dont notre société a un grand besoin.
Merci de si bien nous inspirer,
Lise