Le temps est multiple, disions-nous? Mais voyons! Le temps est unique, il nous est compté, il nous glisse entre les doigts! Voici pourtant un exemple d'un autre rapport au temps…

Quand, dans mes prises de parole publiques, je fais preuve d’esprit critique à l’égard des objectifs, quand j’essaie d’en montrer les revers, les failles et les écueils, je me heurte souvent à une immense résistance de la part de certaines personnes de mon auditoire. Comme si j’étais une personne malveillante qui s’ingénierait à planter un dard dans notre seule bouée de sauvetage!
L’objectif est vu, de nos jours, comme LA réponse à tout; l’outil par excellence qui nous mènera vers nos rêves; le seul à nous en faire la promesse.
Un objectif se doit d’être Spécifique, Mesurable, Atteignable, Rattaché à un projet (avoir du sens) et inscrit dans le Temps. Il se doit d’être SMART.
Ainsi, plus un objectif est spécifique, c’est-à-dire plus il est précis, plus il nous garantit que nous arriverons au résultat visé.
Mais, dites-moi, avons-nous besoin de n’avoir QUE des objectifs? Est-il absolument nécessaire de faire passer tous nos rêves par le processus théorique de la mise en objectif pour qu’ils se réalisent? C’est ce que plusieurs théoriciens de la gestion du temps prétendent….
Et pourtant.
Je suis convaincue que si tous les grands de ce monde n’avaient eu que des objectifs, le monde ne serait pas ce qu’il est.
Je suis certaine que Guy Laliberté, René Angélil ou les frères Lemaire se fixent régulièrement des objectifs: un prochain spectacle à présenter, un nouveau marché à conquérir, par exemple. Mais, seraient-ils devenus ce qu’ils sont s’ils avaient perdu leur capacité de rêver?
En établissant une cible spécifique, l’objectif remplace le rêve par une attente; il le réduit à ce que notre esprit humain est capable de concevoir, ce qu’il se croit en mesure d’atteindre, ce qui est réaliste et donc réalisable.
L’objectif est raisonnable. Il est rationnel.
Le rêve, lui, s’élève dans un ciel infini. Il s’abandonne à ce qu’il ne sait pas encore, il s’ouvre à ce qui pourrait advenir mais qu’il ne saurait imaginer. Il est audacieux et délinquant. Il espère.
Sarah Ban Breathnach affirme :
« La poursuite enthousiaste de nos rêves donne des ailes à notre âme; les attentes qui mesurent le succès d’un rêve, au contraire, lui attachent un boulet au pied. » *
J’ai cette conviction : il n’est pas bon de n’avoir que des objectifs. Parce que, souvent, la vie a bien mieux à nous offrir que ce que nous en attendons. Et si nous restons focalisés avec entêtement sur ce que nous avons nous-mêmes désigné comme une cible, nous ne verrons pas les mains de la vie tendues pour nous offrir ses merveilles.
Disons-le dans le langage de la gestion: nous ne saurons plus saisir les « opportunités ».
Alors gardons certains rêves à l’abri de nos objectifs. Cette ouverture vers l’infini nous permettra de garder sous nos ailes le souffle de l’Esprit.
* BAN BREATHNACH, Sarah. L’abondance dans la simplicité ; la gratitude au fil des jours. Montréal, Ed. du Roseau, 1999 (1995), p. 361.
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