Le temps est multiple, disions-nous? Mais voyons! Le temps est unique, il nous est compté, il nous glisse entre les doigts! Voici pourtant un exemple d'un autre rapport au temps…

CC Amber naralim Ross
« C’est par notre libération intérieure que nous nous libérerons de l’étreinte étouffante du temps, et non l’inverse. » (Michel Maxime Egger)
Dans un article paru en 2010*, le sociologue Michel Maxime Egger nous propose de développer une spiritualité du temps. Il emploie ce mot dans son sens universel, c’est-à-dire non religieux: la spiritualité est une démarche intérieure de l’être humain, un « art de vivre » qui transforme son agir. Cette spiritualité permettrait d’habiter le temps plutôt que de l’utiliser. Elle se décline en quelques points essentiels.
Prendre conscience. On y revient toujours. Il nous dit: « Résister et changer supposent un acte de lucidité – de lux, la lumière. » À mon avis, cette conscience ne peut se développer que lorsqu’on adopte, à l’égard de notre temps, une attitude d’observation bienveillante**.
Opérer les choix. Dans le temps écosystème, ceci correspond à l’étape de la création. Une fois que la jardinière a identifié l’essentiel dans son jardin, elle s’emploie à le dégager. La gestion du temps aborde elle aussi ce point en nous proposant d’identifier et de gérer nos priorités.
Travailler ses ressorts intimes. C’est ce que je nomme, pour ma part, « comprendre ». Comprendre pourquoi et pour quoi nous agissons comme nous agissons. À ce titre, Egger nous met en face de notre plus grand paradoxe temporel: « Alors que nous nous lamentons d’être submergés, la perspective du vide et du temps « mort », nous angoisse. » Pourquoi avoir si peur du temps libéré? Qu’est-ce qui, en nous et dans la société à laquelle nous appartenons, nous fait tant craindre de nous poser dans le silence et la non-action?
Poser un autre regard. Oui, M. Egger, il faut élargir la perspective! Changer de point de vue, changer nos paradigmes! Cesser de ne considérer que le temps linéaire: un couloir étroit menant à un résultat tangible. La chose est moins difficile à faire quand les trois premières étapes sont bien amorcées.
Retrouver l’esprit du sabbat. Nous entrons ici dans la dynamique du soin. Le sabbat est une période où l’on chôme, où l’on reprend son souffle et où l’on fait du sacré.
Trouver le bon rythme. On ne parle ici ni de vitesse ni de lenteur, mais d’un rythme qui nous soit propre, celui du temps en spirale, celui de notre pas d’humains.
Passer de l’intensité à la profondeur. L’intensité est ce trop plein du temps qui nous rend fébrile et agité. La profondeur, elle, apaise; elle est le plein et le vide. Au jardin, c’est le plant qui s’épanouit et qui a l’espace suffisant pour le faire.
Voici donc ce que serait une spiritualité du temps. Alors que nous sommes envahis par l’intensité consumériste et les « faucons de Noël », cette démarche spirituelle est plus que jamais nécessaire.
Mais je laisse à Egger le soin de conclure:
… la profondeur de l’ici et maintenant constitue – dans l’acceptation de la finitude – un dépassement de l’opposition entre temps et éternité. C’est l’instant pénétré, engrossé par l’éternité.
Voilà un temps de la Nativité.
* EGGER, Michel Maxime. « Habiter le temps autrement », La Chair et le Souffle, volume 5, numéro 2, Novalis, 2010, p. 156-169.
** Je développerai cette idée dans mon prochain livre, à paraître à l’automne 2013.
J’aime ce «habiter» le temps… Il me semble que si on habite le temps, on prend conscience du temps et en même temps, on oublie le temps qui passe.
Hier soir, c’était le souper annuel de mon Club de lecture. Nous avons habité le temps, nous avons échangé, regardé nos options de vie, nos envies, nos désirs. Notre dernière lecture: La liste de mes envies de Grégoire Delacourt – a été un excellent initiateur des discussions. Sous des dehors tout simple, il y a des questionnements qui nous amènent à habiter le temps d’une manière forte.