Jeudi le 19 avril 2018, j'ai fait partie d'une table ronde portant sur la question suivante: Comment trouver du sens dans une société en perte de repères? Cela se passait…

Magasin Général, tome 1 Marie
Je viens de terminer le tome 7 de la série de bandes dessinées intitulée Magasin général, toute heureuse de savoir que le huitième m’attend encore.
Connaissez-vous cette BD réalisée par deux néo-Québécois, publiée chez Casterman depuis 2006? L’histoire se passe dans un village québécois des années 1920. Plusieurs personnages pittoresques s’y côtoient et nous font partager leur vie quotidienne qui, au fil des albums, semble de plus en plus perméable à la modernité.
Régis Loisel et Jean-Louis Tripp partageaient le même atelier mais travaillaient sur leurs projets respectifs. À se côtoyer tous les jours, ils ont fini par se rendre compte que ce qu’ils préféraient dans leur métier était tout à fait différent. L’un appréciait ébaucher les planches et les dessins et installer l’atmosphère de l’histoire, alors que l’autre préférait fignoler chaque case pour lui insuffler vie et nuancer les émotions des personnages.
Constatant à quel point leur goût se complétaient, ils ont décidé de « remiser leur ego pour se fondre dans un style commun fait du meilleur de chacun d’eux ». C’est ainsi qu’est né « l’auteur virtuel » Loisel et Tripp. Un coloriste, François Lapierre, est venu s’ajouter à l’équipe. Enfin, Jimmy Beaulieu donne aux dialogues leur véracité historique, si bien que ces histoires conçues par deux Européens ne froissent jamais mes oreilles de Québécoise « de souche ».
Quand des personnes de talent décident de « remiser leur ego », on peut s’attendre à des merveilles. Dans cette œuvre commune, très cohérente et harmonieuse, nous ne sentons pas le travail des individus. Leurs talents sont magnifiés par le tout qui se révèle plus grand que ses parties. C’est ainsi que le temps mosaïque manifeste sa richesse et offre ses cadeaux.
D’abord le plaisir. Les auteurs l’avouent eux-mêmes en ouverture de chaque tome : ne s’occupant que de la part de leur métier qui est la plus aisée et leur procure le plus de bonheur, le « résultat final », n’est qu’un amalgame de moments de joie et de satisfaction.
Cela crée aussi une réelle efficacité. Dans le monde de l’édition, il faut publier régulièrement si on ne veut pas être oublié. Depuis 2006, le Magasin général de Loisel et Tripp s’ouvre chaque année pour notre plus grand plaisir. Un tel rythme serait difficile à tenir pour un auteur seul, avec un tel niveau de qualité. Or, Loisel, Tripp, Lapierre et Beaulieu ont la possibilité, en plus de faire partie de cette œuvre conjointe, de travailler sur des projets personnels, chacun de leur côté.
Le temps mosaïque compte les heures consacrées à un projet sans distinction pour les individus. Magasin général en compte sans doute un nombre impressionnant, mais qui saurait dire à qui elles appartiennent?
L’œuvre finale nous fait sourire, nous émeut et nous émerveille, elle ne nous invite pas à compter.
Référence: Loisel et Tripp, Magasin Général, Casterman.
Si dans toutes les activités partisanes,
chaque parlementaire de tous niveaux remisait son ego,
comment la société s’en trouverait transformée, enrichie et efficace.
Se réunir dans un temps mosaïque pour que la somme des heures soit plus que la simple addition des forces en présence… Un rêve possible, cette BD nous en donne un bel exemple. Et oui, comme Lise, je rêve que nos politiciennes et nos politiciens pensent plus souvent au bien commun avant les activités et discours partisans… Mais pourquoi est-ce si rare? Qu’est-ce qui fait que si peu de ces esprits se retrouvent en politique?