Lors d'une entrevue avec Jean-Martin Aussant le 11 septembre dernier*, Marie-France Bazzo affirmait que l’homme de 45 ans avait un parcours professionnel « atypique ». De fait, le fondateur de Option nationale…

Je n’ai jamais oublié ma professeure de chimie de secondaire 5. La chimie, elle, je l’ai oubliée. Mais je me rappelle encore sa lecture, avec toutes les intonations qu’il sied à une œuvre théâtrale, d’un conte de Noël. Comme nous étions très bêtes, nous étions surtout bouleversés par les trémolos dans la voix de cette femme toujours si profondément rationnelle et assez autoritaire. Comment pouvait-elle se permettre de pleurer un texte, elle qui nous enseignait chaque jour à compter les molécules? « Pas rapport! », aurions-nous dit aujourd’hui.
Plus tard, aux HEC, en fin de session, un professeur de statistiques nous a lu un de ses poèmes. Il nous l’avait offert en cadeau. Qui s’est déjà essayé à rimer sait qu’il s’agit là d’un cadeau intime. Mais nous étions des jeunes sans sagesse. En dignes étudiant-e-s d’une école de gestion, notre tête était aménagée en catégories étanches et soigneusement étiquetées. Or, nous étions dans un cours de mathématiques : ce n’était pas l’endroit pour les odes.
Ce professeur le savait sans doute, lui aussi. Il devait s’attendre aux regards éberlués que nous nous échangions pendant qu’il nous lisait son œuvre en levant parfois les yeux vers nous. Il savait que nous n’étions pas prêts à recevoir un tel cadeau. Avec courage, il nous l’offrait quand même. Espérant que les grains qu’il semait avec une certaine confiance, germent et s’épanouissent avec le temps.
Dernièrement, le tuteur en mathématiques de mes enfants m’a offert son opuscule de poèmes explorant la Erotica Philosophica, erotica pris dans son sens plein, son sens large, une philosophie où l’on célèbre la vie et le fait d’être vivant.
Deux poètes et une comédienne qui, sachons-le, faisait du théâtre dans ses temps libres; des personnes solides dans leur discipline principale qui, soudain, dévoilent la richesse de leur personnalité. Maintenant que je connais les vertus du temps écosystème, je puis dire que cette solidité-là est attribuable à la biodiversité temporelle.
Mes professeurs de chimie et de statistiques étaient très compétents et si vous saviez les merveilles que le tuteur de mes enfants fait avec eux, vous en seriez impressionnés. Mais ces personnes ne font pas que cela; elles ne sont pas que cela. Elles cultivent d’autres plates-bandes dans leur jardin temporel. Une spécialiste de mise-en-marché bricoleuse, un entrepreneur coach de balle molle, un photographe informaticien, un avocat cinéphile: voilà des personnes que je côtoie avec plaisir, aujourd’hui.
Dans cette diversité des agirs, le miracle opère toujours. La somme est plus grande que les parties, pourrions-nous dire. Parce que tout est lié, le jardin est plus beau que ses plates-bandes prises une à une. C’est un tour de force de se faire une belle vie. Doser les actions pour qu’elles se complètent et contribuent, chacune à leur manière, à l’harmonie de l’ensemble, c’est un art…
Quand on y arrive, le résultat n’est pas simplement inspirant pour les autres, il est nourrissant pour nous-mêmes. Il nous fait vivre la Erotica philosophica, la joie d’être vivant.
Bonjour Christine,
Ce que tu dis est tellement vrai. On se souviens de ce que les gens aiment. Mon enseignante en 5e année était une femme un peu amère et je n’étais pas une très bonne élève à ce moment-là, mais je me souviendrai toujours du diaporama d’un voyage au japon qu’elle nous avait montré. Elle était vivante.
J’aime beaucoup mon travail et je m’identifie beaucoup à celui-ci, mais je commence de plus en plus à m’ouvrir à autre chose, à avoir du plaisir ailleurs et cela m’aide à lâcher prise sur le travail.
Merci pour ce cheminement que tu partages avec nous.
Caroline
Merci à toi pour ce beau partage!
Merci Christine pour ce billet interdisciplinaire.
Cela me rappelle une chanson de Dick Annegarn, où il parle de l’éducation et le fait d’entrer dans des « petites boîtes toutes pareilles », bien gérer par catégorie et étanches les unes aux autres.
Oui, les catégories existent et sont distinctes. Exactement comme dans l’alimentation: il y a la catégorie du pain, bien différente de celle du fromage. Exactement, comme les mathématiques sont différentes de la poésie.
Par contre, l’étape suivante est de savoir allier deux éléments complémentaires: un fromage avec un pain, une fin d’année de cours mathématique avec un poème. La juste dose, au beau moment… à savourer sans modération.
Alors si toutes nos épiceries connaissent si bien ces stratégies de mise en marché, pourquoi ne pas les appliquer dans d’autres disciplines, comme l’enseignement ou notre vie professionnelle ?
OSONS semer des graines d’interdisciplinarité
…, même sous les regards éberlués, car qui sait, dans 40 ans, une personne parlera peut-être de sa récolte?
Signée
Une formatrice en mise en marché,
toujours émerveillée des résultats quand elle ose semer d’autres graines.
Bonjour Christine,
Je lis avec beaucoup d’intérêt le dernier texte de ton blogue. Crois-moi c’est ce qui m’arrive actuellement. .
Je ne puis résister à tentation de mettre en poèmes une foule d’impressions reçues et ce depuis presque au moins 8 mois. Mes principaux déclencheurs: la fenêtre d’avant de notre chapelle., les objets de ma chambre, le grand corridor de ma maison. la vie en chaise roulante d’ici etc. Et quelle joie! aussi grande que lorsque mon four me révèle une pièce en devenir. J’en bénis le ciel et cela me donne une grnde joie.
Oui on peut cultiver des champs d’intérêts diversifiés… comblants et plein de richesses à prime abord insoupçonnées. de ric