Le temps est multiple, disions-nous? Mais voyons! Le temps est unique, il nous est compté, il nous glisse entre les doigts! Voici pourtant un exemple d'un autre rapport au temps…

Comme les prises de conscience écologiques, la libération de notre temps personnel du joug de l’urgent et de l’affairement pourrait reposer sur la mise en application de ces deux principes bien connus des altermondialistes: penser globalement et agir localement.
Penser globalement, c’est comprendre que nous ne sommes pas seuls responsables de ce mouvement qui nous emporte, qu’il y a, tout autour de nous et jusqu’au fond de notre être une société qui mène notre bal. Une société régie par un code de valeurs, des règles tacites et exigeantes, un système que nous nommerons idéologie. Il nous faut absolument savoir que, si la partie est difficile, il n’y va pas totalement de notre faute.
Cette prise de conscience ne saurait nous enlever la responsabilité de changer notre vie. Mais il faut, en toute lucidité, évaluer les difficultés que recèle notre environnement de façon à pouvoir investir ce qu’il faut d’énergie pour y faire face. Puisque c’est à l’Everest que nous devons nous attaquer, autant nous préparer en conséquence. Dans les défis du temps moderne, nous ne luttons pas seulement contre nous-mêmes mais contre un système. Et cette lutte contribue à changer le système.
Par où commencer, sinon par sa vie à soi? C’est le deuxième principe : agir localement. Nous avons l’impression de ne pas avoir grand pouvoir face à la marée humaine, menée avec talent par les leaders d’opinion, les publicitaires et les héros que l’on nous présente. Pourtant, si nous décidions que ce qui la mène ne nous convient pas, il serait tout à fait possible de changer notre vie. Sans prétendre toutefois avoir le beurre et l’argent du beurre, c’est-à-dire en toute conscience des conséquences découlant de notre décision. Le chemin emprunté alors serait susceptible de nous faire vivre des expériences plus riches et porteuses de sens. Nous trouverions sans doute plus de satisfaction à le suivre puisque nous l’aurions choisi librement, au lieu d’avoir été forcés de le prendre par les contingences de la vie.
La plus belle conséquence de ce changement de cap est sans doute la disponibilité, non seulement envers les autres, mais aussi envers notre environnement physique et surtout envers nous-mêmes. L’espace nécessaire pour que notre être et nos actions se déploient, qu’elles n’étouffent plus dans un laps de temps étriqué, sous un amas de choses à faire. Dans un tel espace, il serait possible d’affiner nos sens, de mieux vivre nos émotions, d’arriver à une qualité et une précision d’action.
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Il ne s’agit pas d’appliquer une méthode, mais plutôt de développer une attitude d’ouverture, de conscience. Il s’agit d’un voyage où tous les pas comptent, les petits comme les grands. Les changements draconiens, s’ils ont à se faire, se seront érigés sur une quantité de petits pas, de piétinements et même de reculs. Le changement est un processus dans lequel il faut réapprendre à compter en années et non en semaines ou en mois. On ne peut pas tout faire en un jour. Il nous faut réapprendre à être patients.
Extrait de À contretemps. Gérer moins, vivre mieux, Montréal, Fides, 2011, p. 20-22.
* Illustrations de Pierre Kroll issue de « Dominique Costermans, Le Développement durable expliqué aux enfants, éditions de la chambre de commerce et d’industrie et Luc Pire. »
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