Jeudi le 19 avril 2018, j'ai fait partie d'une table ronde portant sur la question suivante: Comment trouver du sens dans une société en perte de repères? Cela se passait…

Nous avons vu que les méthodes de gestion du temps dites pragmatiques ont pour mandat de nous rendre plus efficaces, alors que les méthodes existentielles ont celui de nous garder focalisés sur le sens. Or, nous l’avons dit précédemment, ces deux méthodes à elles seules ne réussissent pas à nous faire connaître plus de sérénité, ni à nous rendre heureux, comme elles nous le promettent pourtant.
Que manque-t-il à ce bel édifice? Un dernier pan qui le transforme en triangle de puissance. Pour contrer notre tendance à trop en faire, il existe une attitude qui équilibre et tempère notre goût de l’action. Ce troisième panneau s’appuie sur la même base que l’autre, gardant donc, lui aussi, le sens. Pourtant, sa force est toute autre et elle se concentre sur tout autre chose.
Ici, il n’est pas question d’action mais de souffle. Il n’est pas question de faire, mais d’être. Ce pan du triangle est généralement décrit par deux catégories d’auteur-e-s. Les premiers sont des théoriciens et théoriciennes (sociologues, psychologues, politicologues) qui posent sur notre société un regard critique et acéré : ils débusquent un système de valeurs qui provoque notre frénésie et ils nous avertissent que ce système, l’idéologie néolibérale, nous mène à l’épuisement si ce n’est à l’aliénation.
La deuxième catégorie d’auteur-e-s tourne carrément le dos au système. On y traite de psychologie, mais surtout de spiritualité. Ici, il n’est plus du tout question d’être efficace. Nous n’avons qu’à penser à Eckhart Tollé qui, dans son livre intitulé Le pouvoir du moment présent, raconte qu’après avoir connu l’éveil, il est resté assis sur un banc de parc deux années de suite, sans rien faire. La vie en elle-même lui suffisait, l’instant présent le comblait.
Honnêtement, je ne souhaite pas plus vivre cet état de béatitude, que l’affairement du « faire » : il n’est tout simplement pas de mon époque. Ainsi, ce sont les deux pans du triangle, leurs forces combinées et en opposition, sur le socle du sens, qui font la puissance de l’agir humain.
Dans toutes mes lectures, je n’ai rencontré qu’un seul auteur intéressé par la « gestion du temps » qui évoque avec justesse ce troisième pan de notre triangle : il s’agit de Jean-Louis Servan-Schreiber*. Celui-ci ne parle d’ailleurs jamais de gestion du temps, de méthodes et de procédures; il décrit un art. Son propos est plus philosophique et fait référence à la « maîtrise du temps ».
Je pense pour ma part qu’une attitude peut être développée qui installe un équilibre – toujours précaire, toujours à réinstaller — dans notre façon de nous mouvoir dans le temps. Ce « savoir-être » fait en sorte que nous ne nous concentrions pas uniquement sur nos actions mais aussi sur nos « non-actions » qui scandent et font respirer nos actions. Elles installent un peu de vide autour du plein, pour l’empêcher de coincer, d’exploser. Pour le mettre en valeur, pour l’encadrer, lui donner l’espace nécessaire à son épanouissement.
Ce troisième pan nous invite à délaisser un peu la gestion qui exploite le temps, pour nous initier au jardinage qui nous appelle au respect de la vie.
* L’art du temps et le Nouvel art du temps chez Marabout.
Note: J’ai emprunté le titre « Triangle de puissance » à la firme de coaching et formation Mozaik Québec, bien que le triangle que je propose couvre une toute autre réalité. De fait, ma réflexion sur le temps n’est pas parvenue au point où je suis capable de nommer ce fameux triangle de façon originale… Si vous avez des propositions, n’hésitez pas à m’en faire part!
Pourrais-tu mettre un lien vers les deux autres textes sur le triangle de puissance, svp ?
Je n’arrive pas à retrouver le 1er. et j’ai vraiment envie de les relire ensemble, pour avoir une vue globale de ta belle réflexion si profonde et synthétisant tant de travail. C’est un cadeau que tu nous fais, merci !
J’ai mis les liens dans la première phrase. Merci de me l’avoir fait pensé, j’avais oublié de le faire!
Merci pour ce beau texte. Il semble que nous ayons des lectures communes et que nous allons dans le même sens. Je crois que si tu écris un troisième livre, il sera riche avec cette réflexion sur les trois côtés du triangle.
C’est un plaisir de te lire !