Un objectif s’élabore dans un espace bien circonscrit que les théoriciens de la gestion du temps nomment «zone d’influence*». Cette zone délimite les domaines et les lieux où nos actions peuvent…

Cette semaine, je terminerai la fermeture de mon jardin. J’essaie de donner à ces travaux un aspect rituel : prendre conscience de ce qui se termine, aller au rythme de ce qui finit et se dépouille, de ce qui s’éteint. Je ne suis pas la seule : il n’y a qu’à lire les commentaires de Claire et Monique, sur mon article du 9 octobre dernier.
Évidemment, les tâches d’automne sont complétées chez presque tous mes voisins. Les arbustes sont ficelés, les vivaces coupées, les annuelles arrachées. Les feuilles ont été inlassablement ramassées, parfois avec le bruit si agressant des « souffleuses ». La terre est nue; les plates-bandes sont bien nettoyées.
Serais-je en train de procrastiner? Non. Car si je tarde autant, c’est que je trouve un charme immense à cette lente détérioration des plantes de mon petit jardin. Le rougissement des oenothères et l’affaissement des hostas d’un jaune éclatant suscitent encore mon émerveillement. Et j’aime découvrir, dans toute cette décrépitude, certains plants vigoureux qui n’ont pas l’air de vouloir attendre le printemps pour manifester leur vitalité.
À l’heure où j’écris, je ne me suis pas encore résolue à retirer les impatientes de mes pots. Elles sont encore si belles! Le lamier a refleuri et les bégonias abritent de leurs feuilles velues leurs dernières fleurs, plus fragiles.
Une fois les pots vidés, je laisserai tout le reste tel quel. Les tiges des vivaces se videront de leur substance, ce qui fera de la paille pour démarrer le composteur, au printemps prochain. De plus, si j’admets qu’on puisse trouver du plaisir à râteler, il s’agit pour moi d’une tâche que je ne fais qu’une fois, quand toutes les feuilles sont tombées des arbres. Et encore, je ne ferai que les repousser sur mes plates-bandes afin de les emmitoufler, les protéger avant que la neige prenne la relève.
C’est d’ailleurs ce que conseille Larry Hodgson, le « jardinier paresseux ». Selon lui, bien des tâches que nous nous imposons sont inutiles et parfois même, nuisibles. Les plants de l’année précédente constituent le meilleur engrais possible pour les vivaces, les feuilles non ramassées, un paillis idéal, comme en forêt.
Si j’en fais le moins possible, je ne fais pas « rien». J’observe ce dépouillement graduel, cette « mise au repos ». Je regarde la nature terminer son cycle. Et j’en tire des leçons.
Ainsi, ailleurs dans ma vie, je profite du mois de novembre pour terminer certains projets dont seulement quelques étapes sont encore à faire. Des choses que je voudrais laisser à cette année finissante. Autant que possible, je ne commence rien de nouveau. Je clos.
Tout cela est un bel exemple de « non action ». Nous sommes très interventionnistes. Nous avons appris qu’agir est toujours ce qu’il y a de mieux. Mais peut-être sommes-nous trop soumis à notre besoin de tout contrôler?
Quelquefois, le geste à poser, c’est peut-être de n’en point poser du tout.
Je me retrouve dans ce que tu as écrit concernant les rituels et la finalité des choses.
Comme j’adore jardiner, je commence en février à mettre en pots les bulbes de cannas et de bégonias et je les traite aux petits soins à l’intérieur jusqu’au moment de les placer au jardin dès que le temps se réchauffe. L’été est l’occasion de profiter de toutes les splendeurs de l’univers. L’automne, tout tombe en dormance jusqu’au printemps suivant où la nature se réveille de nouveau, apportant avec elle l’espoir d’un été merveilleux.
Tout comme le conseille Larry, le jardinier paresseux, je recouvre mes plates-bandes d’un épais manteau de feuilles, enmitouflant mes vivaces pour mieux qu’elles passent la saison froide et je prends soin de les enlever au printemps avant que ne pointent les tulipes.
Merci pour ce bel article qui nous rappelle le cycle de la vie.
Chère nièce Christine,
J’apprécie beaucoup ton article sur le rituel de l’automne. Tu as raison de respecter le cours naturel des plantes et des feuilles dans leur déclin pour les acheminer ensuite là où elles serviront à assurer la vitalité printanière de tes plates-bandes.
Le « jardinier paresseux » est un sage que nous aurions intérêt à suivre… comme tu le fais toi-même.
Merci Christine !
Je n’ai pas tout à fait fini, moi aussi.. Donc je ferai ce que tu conseilles; j’ en ferai le moins possible
et j’ observerai mieux la nature terminer son cycle.
On en apprend toujours même quand on est rendu à la fin de notre cycle.
Je te comprends chère Christine d’aimer prendre du temps pour contempler cette nature en transition et qui, pour l’occasion, se pare de couleurs chaudes (rouge, jaune) avant de se dénuder pour se reposer un peu. J’aime aussi l’image, se dépouiller pour se re-pauser…Il y a, chez moi et sur la ferme, toutes sortes de techniques, de trucs, qu’on a développés avec le temps pour agir avec la nature, la comprendre et lui donner, quand besoin est, un coup de pouce pour tomber au repos. Le non-interventionniste comme le préconise aussi Michel Renaud, un maître jardinier que j’admire beaucoup, est souhaitable mais pas toujours possible. C’est comme dans tout, je ne crois pas qu’on peut diviser le monde en deux, entre ceux qui font bien et ceux qui font mal. Je ne peux que m’incliner que devant ceux et celles qui s’intéressent aux phénomènes de la nature, de leur balcon, de leur potager, de leurs champs, pour limiter leur empreinte. Les mélèzes et leurs aiguilles toutes jaunes ont joliment ponctué le paysage que j’essaie de façonner le plus naturellement possible, appuyés dans leur tonalité dorée des graminées et des spirées. Et que dire des pommetiers décoratifs qui offrent aux oiseaux un « joyeux festin »… santé! Faudra bien que tu viennes visiter un jour!
Tu te souviens que tout ce que j’ai écrit sur le temps écosystème m’a été inspiré par la lecture de Michel Renaud. Un tournant majeur dans l’écriture de À contretemps! Ses quatre étapes: observer, comprendre, créer et soigner sont parfaitement applicables pour vivre le temps autrement et surtout de façon plus respectueuse de notre énergie.
Votre réflexion me rejoint beaucoup, même si je ne jardine pas. Je pense à un autre rituel saisonnier qui me renvoit de la même manière à une forme de lâcher prise et de consentement à la fin d’un cycle. Je n’en avais jamais pris conscience de cette façon et cela me donne envie de vous le partager. C’est un peu plus terre à terre…
Je fais la rotation des vêtements dans les tiroirs de mes enfants deux ou trois fois par année. En classant les vêtements, je me remémore des occasions où mes deux garçons les ont portés, je leur raconte des anecdotes. En automne, je fais ainsi mon deuil de l’été, du temps doux, des longues journées lumineuses (il me faut presque deux mois pour y arriver, une fois la frénésie de la rentrée passée). Je vérifie si les tailles conviennent encore et ce faisant, j’élimine des tiroirs des vêtements qui ne font plus au plus jeune, après avoir été aussi portés par l’aîné. Cela me rend sensible le temps qui passe, les saisons de nos vies. Les enfants changent si vite. Pas le temps de s’habituer qu’ils m’amènent déjà ailleurs. Ils me tirent en avant. La force de la vie qui les habite ne vient pas de moi, je ne la contrôle pas. Je m’ennuie parfois de ce qu’ils étaient autrefois. Classer leurs vêtements et mettre de côté ce qui est devenu trop petit m’aide à laisser aller leur passé pour m’ouvrir à leur avenir… et au mien aussi.
Merci beaucoup pour ce commentaire! Les saisons nous prédisposent au rituel et, si nous ne nous donnons pas le temps de leur donner un sens, les tâches qu’elles imposent deviennent fastidieuses. Le classement des vêtements en est un autre bel exemple, surtout quand les enfants grandissent et qu’il faut dégager les tiroirs de ce qui est devenu trop petit. Profitez-en! mon fils a 16 ans et c’est devenu moins nécessaire… Je peux encore le faire pour ma fille…