Nous avons beau gérer notre temps avec la meilleure volonté du monde, cibler et planifier avec compétence, nous aurons toujours une inquiétude, une attente ou un contretemps pour nous déconcentrer,…

Comment distinguer l’urgent de l’important? Et surtout, comment identifier ce qui est urgent mais même pas important? Nous habitons un climat temporel où passablement de choses sont urgentes: attraper le prochain autobus, répondre à un texto, satisfaire un patron (ou un client ou un enfant) qui trouve que tout est toujours urgent quand cela vient de lui, acheter le dernier item en vente parce que les « quantités sont limitées », se rendre à l’urgence, là où tout est si urgent que plus rien ne l’est*.
Dans ce climat temporel, il est très facile de suivre le courant. Et très difficile de le freiner. Mais cela est souvent possible avec un peu de recul et du soin. Dans notre ère de « just-in-time », j’essaie, par exemple, d’arriver à l’avance à mes rendez-vous. Ainsi, les imprévus et les contretemps ne me causent aucune panique, c’est déjà ça.
La technologie permet la vitesse, mais elle n’a pas toujours à nous imposer l’urgence. Je réponds souvent spontanément à un courriel, mais si la question posée est complexe ou difficile, ou s’il y a là un choix à faire, j’attends un peu. Vingt-quatre heures, c’est long quand on vit dans l’urgence. Mais c’est bien raisonnable, quand on pense qu’un échange de courrier prend une semaine ou plus.
L’urgence nous demande une réponse tellement rapide que nous en perdons jusqu’au sentiment que nous avons un choix à exercer. Or, le choix, nous l’avons plus souvent qu’on pense. Le choix de dire non quand la demande vient de l’extérieur et le choix de « ne pas faire » quand elle est intérieure. En-deçà de cette radicalité, nous avons encore la possibilité de proposer une alternative qui nous siérait davantage.
L’évaluation d’une action urgente peut se faire en fonction de valeurs. Quand on parle de sa vie, cela peut être de faire passer sa famille avant les activités professionnelles. Quand on parle de travail, cela peut être les montants d’argent impliqués. L’idée est de se forger une grille d’analyse, un cadre et des orientations claires pour nos décisions. Il y a toujours des exceptions, mais dans la plupart des cas la règle s’applique. Et, dans tous les cas, le frein mental nous ouvrira la porte de notre liberté de choisir.
Et ce patron exigeant qui impose son pouvoir sur notre temps? Celui-là, j’en conviens, est difficile à freiner. Mais il y a un moyen: il s’agit de confirmer les attentes. Comme c’est le patron, il y a de fortes chances que ce que nous sommes en train de faire est la réponse à une autre de ses exigences, urgente elle aussi. Confirmer les attentes, ça oblige à identifier les priorités.
— Si je dois le faire immédiatement, je dois laisser telle action de côté.
Ou bien:
— J’ai aussi les projets x, y et z. Par quoi je commence?
— Je ne sais pas, il faut tout faire!
— Alors je commencerai par x.
— Non, commence par z.
Nous avons à prioriser l’important. Mais il y a plus que l’important. Il y a l’essentiel. Nous en parlerons la semaine prochaine.
*Lire le beau texte de Suzanne JACOB: « La matière du temps », Relations, no 753, décembre 2011, p. 32.
[…] Le problème me semble mieux posé quand on met en garde contre l’envahissement de l’urgence dans les activités importantes. Travailler à des activités du quadrant 2, c’est souvent se « consacrer » à des projets à long terme qui ont besoin de se déployer dans l’horaire sans être constamment bousculés par des actions plus courtes (« je vais le faire tout de suite, c’est pas très long »), qui s’imposent par une échéance rapprochée (d’où le sentiment d’urgence ressenti). Toute la sagesse de la gestion du temps vient de cette capacité de les reconnaître. […]