Nous avons beau gérer notre temps avec la meilleure volonté du monde, cibler et planifier avec compétence, nous aurons toujours une inquiétude, une attente ou un contretemps pour nous déconcentrer,…

Lucie et Odile nous annoncent un cycle nouveau: le retour du soleil au solstice d’hiver et la fête de Noël. Fin décembre, ce cycle sera installé. Nous pouvons nous préparer à bien le vivre. Encore faut-il avoir les yeux pour voir et être outillé. Parlons d’abord des outils.
Dans les livres de gestion du temps, on nous propose d’utiliser un outil puissant, l’objectif, afin de déterminer les cibles que nous voulons atteindre. On recommande donc d’établir des objectifs précis pour chacun des domaines de notre vie. Puis, on nous amène à élaborer une série de plans d’action pour nous y mener le plus efficacement possible.
Je l’ai expliqué dans mon livre: si je suis pour les bons examens de conscience, je ne suis pas d’accord pour me servir des objectifs en toutes circonstances. Je ne dis pas qu’ils ne sont jamais pertinents ou nécessaires, je dis simplement qu’ils ne le sont pas toujours.
Il importe de faire une distinction entre le fait de se donner des orientations et le fait de se donner des objectifs. Et peut-être que, sur ce point, Lucie pourrait nous aider car elle nous offre un beau modèle.
Ainsi, quand elle apportait à manger aux chrétiens effrayés, elle ne partait pas en se disant: « Ce soir, je vais nourrir 50 personnes. » Ce qui serait un objectif. En effet, dans cette courte phrase, il y a une action spécifique (nourrir), une mesure (50) et une échéance (ce soir). Cet objectif est réaliste (bien que risqué) et relié à un projet (les impératifs de sa foi).
Mais Lucie n’avait aucune idée du nombre de gens qu’elle allait rencontrer chaque nuit. Elle n’avait aucune possibilité de le savoir et aucun contrôle réel sur ce chiffre. Ainsi, nous pourrions dire que le chiffre 50 est l’élément boiteux de cette construction. En plus de créer une attente précise, il dénote une volonté de contrôler très étroitement les événements. Enfin, il induit une fermeture aux autres possibles et attire l’attention sur la quantité et non sur le sens profond de son action: aider des personnes.
Lucie ne s’est jamais fixé de tels objectifs; ce discours n’avait pas encore été inventé. Cependant, elle s’était équipée de sa fameuse couronne qui lui permettait de se dire: « C’est par là que je les trouverai. » Voici la différence entre un objectif et une orientation. Un objectif demande une rigueur que nous ne pouvons pas toujours atteindre. Et il ferme notre perspective. Or, Lucie avait l’esprit ouvert: elle ne savait pas qui, ni combien de personnes elle allait rencontrer et, pour elle, ce n’était pas si important. Ce qu’elle voulait savoir, c’est dans quelle direction elle devait marcher. Elle avait le cœur ouvert mais le pas solide.
Je suis certaine que Lucie de Syracuse était une personne pragmatique et efficace. Je parierais aussi qu’elle était très imprudente; oseriez-vous vous promener avec une couronne de bougies allumées sur la tête?
Lectures complémentaires: L’efficacité ou la passion du jeu, Des journées penchées, Immaculée.
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